Réunion de la CCPC du 7 juin 2023
Retraites, recrutement, frais d’inscription des doctorants
Cette CCP [1] se tient dans un moment particulier : au lendemain d’une journée de contestation massive contre la contre-réforme des retraites de Macron-Borne, et à la veille du dépôt d’une proposition de loi à l’Assemblée Nationale par les député·es de l’opposition visant à abroger la contre-réforme Macron-Borne contre laquelle la minorité présidentielle va tout faire pour empêcher le vote. C’est vrai finalement, pourquoi s’encombrer avec les règles démocratiques de base quand on peut utiliser les artifices de la Vème République pour imposer ses mesures régressives par la force ? La contre-réforme Macron-Borne ne va pas faire que repousser de 2 ans la très lointaine retraite des contractuels d’aujourd’hui ; elle va aussi concourir à repousser de toujours plus leur âge d’accès à un emploi pérenne, à accumuler les contrats de postdoc à l’étranger alors même qu’un collectif d’une centaine de chercheuses et chercheurs ont dénoncé en mars dernier dans une tribune au Monde la non prise en compte des années passées à l’étranger dans le calcul des droits à la retraite. Nous avions déjà pointé lors de la CCP du 23 novembre 2021, que la contre-réforme des retraites de 2010 avait entraîné un vieillissement de la population de chercheuses et chercheurs à l’INRA. Entre 2009 et 2019, le nombre de CR et DR est resté stable, oscillant autour de 1800 agents, mais le départ toujours plus tardif à la retraite de ces agents a conduit mécaniquement à un déficit de recrutement de 240 jeunes CR dans la classe d’âge des 25-39 ans en 2019 par rapport à 2009. Chez les AT et TR, c’est un déficit de recrutement de 404 jeunes agents dans la classe d’âge des 19-34 ans sur la même période, et de 295 jeunes agents chez les ingénieur·es [voir document : Nombre de titulaires technicien·nes, ingénieur·es et chercheur·ses INRA par classe d’âge entre 2004 et 2019. Source : Bilans sociaux INRA]. Les effets de la contre-réforme de 2010 étaient enfin passés derrière nous, avec depuis 2020 un retour des recrutements à hauteur de ceux des années 2000 : de 60 CR et 260 ITA externes recrutés chaque année en moyenne dans les années 2000, ces recrutements s’étaient effondrés à 42 et 150 respectivement par an dans les années 2010, pour remonter à 60 et 260 depuis 2020. Nous pensions enfin espérer être sortis de la décennie noire des années 2010 qui a sacrifié toute une génération d’entre nous, que voilà que Macron veut nous faire repartir pour un tour, et un sale tour… Nous sommes donc totalement solidaires du combat en cours, et jamais nous ne cesserons de demander le retrait de cette contre-réforme régressive. Nous continuerons de participer à tous les mouvements de grève, blocage, manifestation, casserolade organisés à l’échelle du territoire, en dépit de toutes les manœuvres du pouvoir pour faire éteindre la contestation.
Nouvelle note de service : contrat postdoctoral, contrat de mission scientifique et chaires de professeur junior
Nous examinons aujourd’hui la nouvelle note de service portant sur le recrutement des agent·es contractuels. Cette nouvelle note entérine l’utilisation à l’INRAE des contrats de mission scientifique et des contrats postdoctoraux de droit public institués par la Loi de Programmation pour la Recherche, imposée en plein crise sanitaire et contre laquelle s’était mobilisée une grande partie de la communauté scientifique. Conformément à ce qui était prévu dans le décret, le contrat postdoctoral n’est accessible que dans les trois ans suivant la soutenance de thèse. Car il est effectivement de notoriété publique que tous les postdoctorant·es ont obtenu un emploi pérenne dans les 3 ans suivant leur thèse et qu’il n’est donc absolument pas nécessaire de leur laisser la possibilité d’accéder à ces contrats après 3 ans après leur thèse ! Une pétition avait circulé l’année dernière pour dénoncer cette aberration, et nous continuons de demander le libre accès à ces contrats après 3 ans après la thèse.
Conformément également à ce qui était prévu dans le décret de la LPR, le contrat de mission scientifique (et non « CDI » de mission scientifique, le mot « CDI », absurde, avait disparu dans le décret, mais apparemment la Direction Générale tient à continuer d’entretenir la confusion avec ces contrats qui n’ont rien à voir avec des « CDI »), à la différence d’un CDD classique, n’a pas de durée préétablie claire, mais seulement une « durée prévisible » liée à la réalisation du projet, et il déroge à la CDIsation rendue obligatoire par la loi Sauvadet au bout de 6 ans. Ce contrat peut de plus être rompu à tout moment après un an sur décision de l’employeur si le projet « ne peut [finalement] pas se réaliser » ou s’il y a « achèvement anticipé » du projet. Lorsque notre PDG défendait les contrats de mission scientifique en soutenant dans une interview à AEF Info en 2021 que "pouvoir proposer un contrat à une seule et même personne plutôt que d’enchaîner deux ou trois CDD pour réaliser un projet de longue durée financé par l’ANR, le PIA ou la Commission européenne, me paraît être plus un progrès qu’une régression", il oubliait de dire que ces contrats seront au contraire contre-productifs pour l’institut. Car les précaires partiront des lors qu’ils auront l’opportunité de trouver un emploi pérenne ailleurs ! Ce que veulent les précaires, ce ne sont pas de nouveaux contrats qui leur permettent d’être précaires plus longtemps, mais des postes et des emplois pérennes. C’est la même chose lorsque l’ex-ministre Frédérique Vidal affirmait que les chaires de professeur junior, d’une durée de 3 à 6 ans qui ne font que repousser toujours plus l’éventualité d’une titularisation hors concours et sur condition de résultats, permettront d’attirer les scientifiques à l’international. Et non, ce qui attire les chercheuses et chercheurs étrangers en France, c’est justement la pérennité des postes ! Et d’ailleurs, les premiers retours des ouvertures de chaires de professeur junior depuis 2021 ne trompent pas, puisque la majorité d’entre elles n’ont pas réussi à trouver de candidat satisfaisant, avec 5 "postes" seulement pourvus sur 12, et 7 infructueux. Nous rappelons donc la motion adoptée lors de la CCP du 23 novembre 2021 qui demandait instamment à la Direction Générale de ne pas recourir au contrat de mission scientifique, ni aux chaires de professeur junior, qui n’ont d’intérêt ni pour les contractuels, ni pour l’institut.
Nouvelle note de service : Recrutement des agent·es contractuels
De façon plus générale, en approfondissant toujours plus le nombre et la complexité des contrats existants à l’INRAE (besoins temporaires « dans l’attente d’un arbitrage d’un poste », « dans le cadre d’un projet de durée inférieure à 6 ans », dans le cadre d’un projet de durée supérieure à 6 ans etc.), la politique de recrutement des contractuels de l’INRAE est entièrement façonnée pour répondre aux besoins de la recherche financée sur projets, à la mode du « on prend et puis on jette ». Il est symptomatique de constater que pour toutes et tous les contractuels qui seront embauché·es dans l’attente du recrutement d’un ou d’une fonctionnaire, il n’est nullement question de titulariser le ou la contractuelle en question. Cette personne aura pourtant passé plusieurs années à se former sur le poste, aura fait ses preuves… et sera finalement priée à l’inverse de bien vouloir quitter les lieux pour laisser la place à la nouvelle personne recrutée.
Nous continuons donc toujours de revendiquer l’abrogation de la LPR, la titularisation sur place et sans concours de toutes et tous les précaires sur fonction pérenne - à commencer par tous les CDI actuellement en cours à l’INRAE -, la mise en place d’un plan pluriannuel de création d’emplois de titulaires sous statut pour répondre aux besoins et à la hauteur des enjeux actuels - la crise écologique et le bouleversement climatique auxquels nous faisons maintenant face devraient nous imposer d’investir et recruter massivement et urgemment dans la recherche publique -, le basculement du financement de la recherche majoritairement sur crédits récurrents, et pour cela la réaffectation intégrale des 7 milliards d’euros du crédit impôt recherche à la recherche publique.
Nous prenons néanmoins acte des nouvelles modalités de rémunération des contractuels, désormais calculée sur une base explicitement indiciaire, en plus d’être alignée sur les titulaires de même corps avec expérience égale, et nous prenons acte de la revalorisation tous les trois ans de la rémunération des personnels en CDI, modalités que nous revendiquions depuis des années. Nous continuons cependant de revendiquer pour les CDI la mise en place de primes égales à celles perçues par les titulaires de même corps. Et alors que l’inflation ne cesse de continuer de monter et que la baisse gigantesque du pouvoir d’achat frappe en premier lieu les agents en situation précaire, nous exigeons un rattrapage de la valeur du point d’indice et de la rémunération des contractuels à au moins à 10 % pour toutes et tous, et de façon plus générale la ré-indexation de la valeur du point d’indice et des salaires sur les prix. Nous demandons également l’extension de l’indemnité de fin de contrat, équivalente à la « prime de précarité » existante dans le privé, à toutes et tous les contractuels – doctorantes et doctorants compris, comme c’est le cas pour les bourses CIFRE -, et pas seulement pour les contrats d’une durée inférieure à un an. Nous nous opposons en revanche à toute rémunération individualisée, que ce soit pour les contractuels comme pour les titulaires.
Prise en charge des frais d’inscription des doctorant·es de l’INRAE par l’institut
Nous souhaitions également revenir sur notre revendication de prise en charge des frais d’inscription des doctorants de l’INRAE par l’institut. Des unités ont été récemment réprimandées pour avoir pris en charge les frais d’inscription en école doctorale de leurs doctorant·es, et il a été demandé à ces doctorant·es de rembourser ces frais. Nous demandons à minima que les unités volontaires pour payer les frais de leurs doctorant·es puissent être respectées dans leur choix, et de façon plus générale que l’INRAE prenne en charge les frais de toutes et tous les doctorants travaillant dans l’institut, payés ou non par l’INRAE, via un fonds propre dédié. L’INRAE prend d’ores et déjà en charge les frais de ses étudiant·es en apprentissage, ainsi que ceux des chercheuses et chercheurs passant leur HDR. Pourquoi cela ne serait-il pas possible pour les doctorant·es ? Sachant que ces frais sont déjà pris en charge au CNRS et au CIRAD, et étaient pris en charge par l’IRSTEA.
La Commission Consultative Paritaire des personnels contractuels demande à la Direction Générale de prendre en charge sur un fonds dédié, comme le font le CNRS et le CIRAD, et avant eux le faisait l’IRSTEA, les frais d’inscription des doctorantes et doctorants présents dans ses unités, quel que soit leur employeur. Elle exige l’annulation des demandes de remboursement prises à l’encontre des doctorantes et doctorants dans les unités qui avaient décidé de prendre en charge ces frais.
Résultat !
L’administration a refusé la mise au vote de cette demande arguant d’une « réunion de travail » en lieu et place de « séance plénière ». Les séances plénières avaient pourtant lieu une à deux fois par an jusqu’ici. A l’Assemblée nationale comme à l’INRAE, le vote fait peur et est désormais interdit…
Enfin, nous tenons à faire remarquer que la CCP ne s’est de nouveau pas tenue en session plénière au cours de l’année 2022, comme cela a déjà été le cas en 2020 et en 2018. Nous rappelons notre attachement à la tenue régulière des CCP des contractuels en séances plénières, indispensables pour veiller aux conditions de travail des victimes d’une précarité devenue systémique.
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