Enquête administrative à l’INRAE FAITES ENTRER L’ACCUSE

, par  Secrétariat SF , popularité : 30%

Il y a quelques années, nous avons vu apparaître à l’INRAE les commissions d’enquête administrative internes (CEAI) dirigées contre certains agents. Ces commissions d’enquête constituent un déni de démocratie où l’agent incriminé se retrouve seul face à l’administration, sans aucun moyen se défendre et d’être défendu, comme nous le dénoncions déjà en juillet dernier. Une constante de la politique « fonction publique » du quinquennat d’Emmanuel Macron est la limitation drastique du rôle des délégués élus du personnel de toutes les instances de gestion concernant les agents. Les avancements ITA et les mobilités sont ainsi devenus uniquement dépendants de la hiérarchie avec la suppression des prérogatives des Commissions Administratives Paritaires (CAP). La création récente des commissions d’enquêtes administratives à l’INRAE est un autre élément d’une politique qui rend la hiérarchie souveraine vis-à-vis de personnels sans recours.

La mise en place de ces commissions d’enquête permet concrètement à l’administration de :
1. Faire une enquête en dehors de toute possibilité de contre-pouvoir de l’agent incriminé
2. Se servir du rapport de cette enquête-sans-droits-de-défense comme élément à charge lors du conseil de discipline qui peut suivre l’enquête.

Pour la direction générale, ces enquêtes peuvent conduire à une sanction disciplinaire, un licenciement pour insuffisance professionnelle, une action judiciaire, une action de prévention, un refus de titularisation, ou des actions visant à remédier à des situations dégradées. Grâce à ces commissions d’enquête, l’administration a tous les pouvoirs pour enquêter, seule, pendant des mois alors que la défense de l’agent en la personne des représentants et élus du personnel en CAP, ne disposera au mieux que de quelques semaines (statutairement au moins huit jours) entre l’annonce du conseil de discipline suivant la CEAI et sa tenue, pour tenter d’exercer un contre-pouvoir. C’est très peu de temps pour prendre connaissance des faits, lire le dossier d’accusation dont le rapport de 30 pages de la commission d’enquête, contacter l’agent incriminé, faire une contre-enquête, et entendre les témoins des agents.

La direction générale a décidé d’entériner à l’INRAE le recours à ces CEAI et vient de publier une note de cadrage relative au fonctionnement des enquêtes administratives (2021-79) qui confirme nos craintes et nos réserves (lien vers la ns) et dont voici les points les plus problématiques :

  • La note de service entérine le fait que ces enquêtes sont menées exclusivement par des membres nommés par l’administration et qu’elles ne sont pas soumises aux principes généraux du droit de la défense. Autrement dit, les agents incriminés n’ont aucun droit ou presque, tel est le principe de base.
  • Les commissions d’enquête voulues par la direction générale sont toutes-puissantes. Elles ont en particulier toute latitude pour entendre, ou pas, les témoins qu’elles souhaitent et n’ont aucune obligation d’auditionner les témoins favorables à l’agent incriminé. Ainsi, comme cela a été le cas dernièrement, les membres d’une commission d’enquête à l’origine diligentée à la suite d’un signalement de souffrance au travail par un agent, pourront refuser d’auditionner les témoins de ce même agent !
  • La note de service n’impose rien en matière de représentation de genre pour les membres de la commission. Nous pourrons donc voir des commissions d’enquête composées exclusivement d’hommes statuer sur la nature sexiste de propos ou de faits envers une femme, comme cela a été le cas très récemment, sans même que le PDG, alerté de ce problème déontologique, n’intervienne pour modifier la composition de la commission.
  • Les comptes rendus des auditions n’ont pas à être signés par les agents auditionnés. Les agents auditionnés ne peuvent donc pas vérifier que ce qu’ils ont dit a été bien retranscrit et bien interprété. Ceci contredit d’ailleurs la jurisprudence qui indique que les procès-verbaux d’audition doivent être signés pour éviter d’être remis en cause.
  • La durée de l’enquête n’est pas précisée, la note de service parle juste d’un « délai raisonnable »… Au vu de la lenteur à laquelle nous a habitués la DRH et la direction générale dans le traitement des situations individuelles que nous suivons, nous ne pouvons qu’être extrêmement inquiets. Ce que les représentants du personnel ont constaté c’est que pendant le « délai raisonnable » de conduite de l’enquête, l’agent incriminé (fautif ou pas) se voit stigmatisé (selon l’adage bien connu qu’il n’y a pas de fumée sans feu), parfois empêché de travailler et, dans certains cas extrêmes, exclu de son collectif de travail, sans aucun droit ni recours.
  • Le rapport d’enquête ne sera communiqué à l’agent que si les faits sont susceptibles de justifier une mesure disciplinaire et seulement lors de sa convocation en conseil de discipline. Les restitutions écrites des témoins ayant été auditionnés par la commission d’enquête ne seront communiquées à l’agent incriminé que si la communication de ces témoignages n’est pas de nature à porter préjudice aux témoins qui se sont exprimés (!). C’est ainsi que nous avons récemment vu un agent convoqué en conseil de discipline et n’ayant accès qu’à un seul témoignage écrit sur les 12 témoins auditionnés par la commission d’enquête…

Ces commissions d’enquête telles que nous les avons vues à l’œuvre et qui sont désormais régies par la note de service 2021-79, sont des machines à broyer les agents. Aucun agent n’en est sorti indemne. Nous avons vu des agents, à qui aucune faute n’a finalement été reprochée, être exclus de leur collectif pendant plusieurs années et d’autres, également innocentés, perdre leurs primes pendant les mois qu’a duré l’enquête ».

Que vous vous sentiez victime ou qu’on vous ait dénoncé comme ayant commis une faute, avant d’effectuer toute démarche officielle, nous vous recommandons de prendre contact avec des représentants du personnel qui sauront vous conseiller au mieux sur les démarches à mener.
Nous encourageons également tous les agents placés en alerte par la DRH à prendre contact avec les représentants du personnel pour bénéficier de conseils en vue de résoudre leur situation (contact à prendre via les organisations syndicales).

La direction générale de l’INRAE persiste dans le « New Public Management » où l’autorité de l’institut doit passer par des méthodes qui inspirent la crainte, qui utilisent l’opacité, l’absence de dialogue et qui désignent des coupables.

Les représentants du personnel n’interviennent désormais plus que lors de conseils de discipline dans lequel leur avis n’est même plus pris en compte (les derniers avis rendus par des conseils de discipline n’ont pas été suivis par le PDG dans sa décision de sanction, ce qui n’avait jamais été le cas à l’INRA auparavant !).

Nous avons pourtant des propositions alternatives, équitables et efficaces, pour régler les situations individuelles compliquées et pour apaiser les tensions au sein de nos collectifs, selon le modèle des binômes paritaires de suivi, qui a fait ses preuves depuis plus de 20 ans à l’INRA en CAP des chargés de recherche. Ces binômes, constitués d’un membre nommé par l’administration et d’un membre élu par le personnel, ont résolu de nombreuses situations difficiles et complexes avec bienveillance et dans l’intérêt de notre institut. Nous continuerons à défendre ce modèle haut et fort et à exiger l’abandon des CEAI.

Plus globalement, nous revendiquons, et d’autant plus en cette période d’élection présidentielle, l’abrogation de la Loi de Transformation de la Fonction Publique (LTFP).

Cette loi impose un mode de management rétrograde dans la fonction publique, en rupture avec le paritarisme qui prévalait initialement. Comment expliquer la contradiction flagrante entre les belles valeurs proclamées (déontologie, éthique, parité, qualité de vie au travail…) et la réalité qui conduit à supprimer le droit le plus élémentaire des agents (droit de défense) et les bases du dialogue social (représentants élus) ? Ce virage autoritaire et hiérarchique tourne le dos à l’esprit de la Fonction Publique, qui prône au contraire la représentativité des personnels dans les instances. Cette représentativité et le dialogue social qu’elle permet sont des moteurs de l’engagement des collectifs de travail dans les missions de notre institut.

Ne laissons pas nos dirigeants saper avec zèle les bases fondamentales de l’organisation du travail dans la Recherche Publique.
Exigeons ensemble l’abrogation de la LTFP, la suppression des CEAI et le rétablissement du fonctionnement paritaire des instances.
La CGT-INRAE s’engage sans compromission pour le renforcement des représentations collectives et contre la toute-puissance hiérarchique dans la fonction publique.
Rejoignez-nous !