Lettre ouverte au PDG de l’INRAE - Il faut sauver APIS
Monsieur le Président,
En devenant propriétaire du domaine du Magneraud fin 2023, l’INRAE a confirmé, par votre signature, sa volonté de pérenniser les recherches sur ce site. Cet engagement vole en éclats 7 mois plus tard, le 20 Juin 2024, à la veille de l’inauguration institutionnelle de cette acquisition, avec l’annonce de la fermeture de l’unité expérimentale APIS, une des 3 unités expérimentales emblématiques de ce site avec l’Unité Expérimentale Systèmes d’Elevage Avicoles Alternatifs (EASM) et l’Unité Expérimentale Elevages Porcins Innovants (GenESI).
La CGT-INRAE conteste fermement cette fermeture compte-tenu des compétences et travaux de cette unité, mais surtout des enjeux scientifiques de l’Institut. De plus, elle dénonce fortement le non-respect de la procédure.
Comme vous le savez, l’objet d’étude de l’unité expérimentale APIS est l’abeille domestique utilisée comme sentinelle de l’état de l’environnement dans le paysage de grandes cultures de la plaine d’Aunis. Elle répond aux besoins de recherches d’unités de recherches INRAE comme UR Abeilles et Environnement d’Avignon, UMR Gen-Physe de Toulouse, UMR GABI de Jouy-en-Josas et d’autres partenaires institutionnels comme le CNRS de Chizé (79), l’université de La Rochelle, ITSAP Paris (Institut Technique et Scientifique de l’Apiculture et de la Pollinisation) qui placent ce pollinisateur au centre des enjeux de protection des cultures et de la biodiversité. Ainsi, cette unité a participé à des avancées scientifiques majeures comme le prouvent ses travaux sur les néonicotinoïdes, publiés dans Science [1] en 2012, avec la mise au point des tests de toxicité sur des larves d’abeille qui sont devenus la norme ECOTOX de l’OCDE pour la mise sur le marché de nouvelles molécules pesticides. Ces travaux ont également servi à la mise au point d’une méthode standardisée pour évaluer les impacts sociétaux des recherches à l’INRAE : la méthode ASIRPA [2].
Malgré les difficultés qui se sont dressées sur son chemin (non remplacement de cadres scientifiques, injonction de non engagement dans des nouveaux projets), cette unité dotée de compétences rares et recherchées (palynologue, botaniste, apiculteur) garde et développe des techniques de pointes permettant d’analyser les effets des pesticides sur les déplacements et les danses des abeilles (puces RFID, analyse assistée par IA). C’est parce que ces compétences peuvent être facilement mobilisables au service de toutes les thématiques en lien avec la gestion des cultures, des paysages et la préservation de la biodiversité qu’il faut « sauver APIS » et répondre au défi sur lequel l’institut a grandement communiqué une semaine après l’annonce de la fermeture : « Sauver les abeilles : un défi urgent » . [3]
Par ailleurs, cette décision brutale de fermeture ne respecte absolument pas la procédure décrite par la NS 2007-64 portant sur le cycle de fin de vie des unités. Cette note précise qu’au-préalable d’une telle décision, l’unité doit être évaluée par une commission compétente, munie d’une lettre de mission précisant le cadre et les attendus. Selon cette note la décision finale ne peut être prise qu’en connaissance du rapport d’évaluation de l’unité produit par cette commission, de la réponse de l’unité, du rapport du conseil scientifique du département et de l’avis du ou de la chef-fe du département. Concernant APIS, aucune de ces étapes n’a été respectée puisque la dernière évaluation de cette unité date de 2016.
En conséquence, M. le Président, comme nous l’avons écrit dans une pétition lancée sur le centre Nouvelle-Aquitaine-Poitiers et qui a déjà recueilli plus de 150 signatures nous vous demandons solennellement :
1) de revenir sur cette décision de fermeture et d’annuler la procédure
2) d’examiner toutes les propositions qui ont été formulées concernant son évolution
3) de donner un nouvel élan à cette thématique au Magneraud et à l’INRAE en commençant par le recrutement d’un nouveau directeur d’unité pour palier le départ de l’actuel.