Le fil rouge et vert des élus CGT-INRAE au CT

, par  Secrétariat SF , popularité : 18%

Ce Comité Technique (CT) se tient en plein déconfinement. La CGT-INRAE espère que cette nouvelle situation sanitaire s’accompagne d’un déconfinement des luttes pour nos libertés (nous étions dans la rue le 12 juin), mais aussi pour nos droits et nos salaires.

Concernant nos droits et la précarité dans la Fonction publique, les premiers décrets de la Loi de programmation de la recherche (LPR) sont en cours de discussion. Nous rappelons que la LPR renforce la précarité. D’abord, elle créé des « CDI de mission scientifique ». Ces contrats sont censés être dédiés à des missions durant plus de 6 ans, s’arrêtent avec la « réalisation des missions » et peuvent « être rompus lorsque le projet ou l’opération ne peut se réaliser ». Le départ du porteur d’un projet ou l’arrêt du financement du projet deviennent des motifs de fin de contrat. Ce nouvel outil permet d’installer la précarité dans un contrat lié à la durée d’un projet. C’est également une attaque sans précédent contre l’obligation légitime de pourvoir les fonctions pérennes par des fonctionnaires (cf. art 3 de la loi Le Pors 83-634). Enfin, un tel "CDI de mission scientifique", qui de fait se substitue par sa durée supérieure à 6 ans à un emploi permanent, remet en cause la notion de CDI. Il s’agit donc d’une remise en cause du CDI comme support de l’emploi permanent dans le Code du travail pour tous les salariés du privé. Le CT-MESR s’est prononcé contre la mise en place de ces « CDI de mission scientifique » et appelle les établissements et les organismes à ne pas les mettre en place.

Ensuite, la LPR crée aussi les chaires de professeurs junior (« tenure tracks »), des CDD de 3 à 6 ans, avec des règles de recrutement différentes de celles des personnels fonctionnaires. Un tel CDD aurait la possibilité d’être titularisé directement en tant que Professeur d’Université (PU) ou Directeur de Recherche (DR). Ces chaires de professeur junior constituent une remise en cause profonde du statut de fonctionnaire d’État des personnels et menacent les corps des MCF et des CR.

Les organisations syndicales FO, CGT, FSU et SUD se sont mises d’accord au niveau national pour proposer à leurs établissements des motions qui exigent, des directions d’organisme ; de ne pas mettre en place ces deux types de contrats. Nous soumettons donc à ce CT cette motion.
Les organisations soussignées s’adressent à vous suite à la publication de la Loi de programmation de la recherche (LPR), et alors que les premiers décrets d’applications sont en cours de discussion.
Quelles que soient nos positions concernant la LPR, nous considérons qu’il existe des mesures régressives pour les futurs collègues, et qui, si elles étaient appliquées, bouleverseraient durablement et profondément le fonctionnement de nos établissements :
Les chaires de professeurs junior (« tenure tracks ») créent des CDD de 3 à 6 ans, avec des règles de recrutement différentes de celles des personnels fonctionnaires. Un tel CDD aurait la possibilité d’être titularisé directement en tant que Professeur d’Université (PU) ou Directeur de Recherche (DR). Ces chaires de professeur junior constituent une remise en cause profonde du statut de fonctionnaire d’État des personnels et menacent les corps des MCF et des CR. La baisse du nombre de recrutements d’EC titulaires –qui se poursuit en 2021– est d’autant plus inquiétante dans ce cadre.
Les « CDI de mission scientifique » s’arrêtent avec la « réalisation des missions » et peuvent « être rompus lorsque le projet ou l’opération […] ne peut se réaliser ». Le départ (décès, mutation, départ en retraite…) du porteur d’un projet ou l’arrêt du financement du projet deviennent des motifs de fin de contrat. C’est une nouvelle forme de précarité et un nouveau coin contre le fait que les emplois pérennes doivent être occupés par des fonctionnaires.
Dans les universités, les établissements ont la possibilité de déroger de façon « expérimentale » à l’obligation de qualification par les sections du CNU pour concourir à certains postes de maître de conférences (MCF).
Ces mesures ont fait l’objet d’un rejet profond et constant de la part de l’immense majorité de la communauté universitaire et de recherche. Cette opposition s’est concrétisée par un vote unanime d’une motion demandant la suppression de l’article instituant les chaires de professeur junior, et un vote très large (9 pour, 5 abstentions) contre l’article instituant les CDI de mission scientifique (CT-MESR du 25 juin 2020).
Concernant la réduction des missions de qualification des enseignants-chercheurs, cet ajout tardif à la LPR par amendement a également reçu une vive opposition.
Les établissements sont libres de mettre en place ou non ces trois mesures (chaires de professeur junior, CDI de mission scientifique et dérogation à l’obligation de qualification pour certains concours MCF). Nous vous demandons, en tant que direction d’établissement / d’organisme de ne pas les mettre en place.
Veuillez croire en notre attachement aux valeurs du service public de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi qu’au statut de fonctionnaires d’État de ses personnels,

Vote unanime des élus au CT INRAE CGT – SUD – CFTC – CFDT avec le soutien de FO

Par ailleurs, nos droits sont aussi attaqués concernant le remboursement des frais de missions. Au dernier CT, la CGT INRAE s’était opposée à ce que les justificatifs deviennent obligatoires pour le remboursement forfaitaire des repas en mission. Depuis, 651 agents concernés par des déplacements fréquents ont signé une pétition contre la nécessité de produire ces justificatifs, qui ne feront qu’accroitre la masse de travail bureaucratique. C’est une véritable révolte des agents de terrain, il est impossible que vous ne le preniez en compte ! Tous les syndicats se sont ensuite prononcés contre cette disposition au Conseil d’Administration. Lors de ce CA, vous aviez annoncé que vous alliez ré-examiner ce point. Qu’en est-il ? Nous réitérons notre exigence que cette partie de la note de service soit retirée et que l’INRAE demande une dérogation au décret au vue de ces missions expérimentales.

Autre dossier, autre régression sociale, la question des avancements a été gérée de façon catastrophique, depuis l’application à l’INRAE de la Loi de Transformation de la fonction Publique. A ce CT, nous demandons qu’un bilan des CVPP soit réalisé par les CAP et ensuite débattu au prochain CT de septembre. Le processus d’avancement avec l’établissement d’une grille d’évaluation infantilisante s’est avéré être un naufrage inopérant. Nous redemandons l’abandon de la grille et le retour à un avancement à l’ancienneté.

A ce CT, deux autres dossiers ont attiré notre attention. Tout d’abord, nous débattrons d’une note de service sur l’Organisation de la délégation à la déontologie, à l’intégrité scientifique et à l’éthique des projets de recherche", qui s’appuie d’une part sur une charte de déontologie, et sur un document détaillant "la politique et les dispositions d’INRAE en faveur de l’intégrité scientifique". Évidemment, à la CGT-INRAE, nous sommes très attachés à la déontologie scientifique, mais notre approche diffère de la vôtre. Votre approche individualise les salariés concernant leurs pratiques et fait appel à la délation de leurs collègues pour essayer de limiter les dérives. Or selon nous, les manquements à la déontologie ne sont pas la conséquence de salariés malveillants individuellement, mais de processus sociaux dus à un mode gestion : le "new public management". Tous les salariés et en particulier les chercheurs sont mis en permanence en concurrence pour décrocher des projets et pour publier le plus possible dans des revues à fort impact comme Nature ou Science. Ils sont poussés à faire le buzz sur les réseaux sociaux pour faire parler d’eux. C’est ce que vous valorisez dans les processus d’avancement et dans les recrutements, ou du moins dans le second cas, c’est ce qui se passe quand l’austérité sur les postes ouverts accroit la compétition entre candidats. Évidemment, cela conduit à des expérimentations faites trop rapidement, à des résultats survendus, voir même plus rarement à de la fraude scientifique. Votre réponse est de créer une chartre et un système bureaucratique qui permettra la délation. Des signalements pourront être fait au comité de déontologie. Les manquements invoqués sont extrêmement vastes, ils "peuvent concerner des fraudes caractérisées (fabrication ou falsification de données, plagiat) mais également des cas de négligence ou d’insuffisance dans les pratiques (production, traitement, archivage et/ou communication des données, gestion des collaborations, encadrement, publication scientifique, expression publique...)". La compétition à la délation pour juguler la compétition entre salariés, il fallait y penser...

Enfin, la stratégie de responsabilité sociale et environnementale est aussi présentée à ce CT. Évidemment, la CGT INRAE est pour que nous limitions notre impact environnemental et que nos recherches soient socialement responsables. Mais le document est très flou quant aux moyens matériels et financiers pour atteindre ces objectifs. Pour le social, rien n’est dit concernant les conditions de travail des prestataires de services ou sur les marchés retenus. Nous l’avons vue avec la récente note sur les déplacements, vous n’interdisez ni Airbnb ni les vols low cost. Sur le dossier environnemental, les marches de manœuvre sur les économies d’énergie et de fluides sont énormes. Mais pour cela, il faut des moyens pour rénover les bâtiments, re-employer des plombiers et des jardiniers titulaires, implanter des panneaux solaires, construire des garages à vélo, ou des prises électriques pour les véhicules personnels. Il faut aussi faciliter certaines mobilités pour éviter l’explosion des temps de transport entre le domicile et travail, or c’est tout le contraire qui se passe avec la nouvelle politique de mobilité. Pour nous, ce document n’est qu’un simple outil de communication de green washing et vous ne prenez même la peine d’essayer de faire du social washing...!


Les organisations CGT, CFDT, FSU, FO et SUD représentées au CT-MESR, ont annoncé qu’ils boycottaient le CT-MESR du 18 juin afin d’une part de dénoncer publiquement les conditions de travail insoutenables, et d’autre part pour dénoncer notre opposition sans faille au projet de décret sur les chaires de professeurs juniors et de directeurs de recherche juniors (CPJ ou « tenure tracks »).
Déclaration de boycott des organisations soussignées.
https://inra.ferc-cgt.org/IMG/pdf/2021_06_18-declaration_boycott-def.pdf