De nouvelles menaces pour les collectifs de travail

, par  Secrétariat SF , popularité : 28%

Le comité technique de l’INRAE se tient jeudi 17 février avec à son ordre du jour deux propositions de révision des règles concernant d’une part les procédures d’avancement des agents et d’autre part la pratique du télétravail.
En ce qui concerne les avancements, rappelons que le nombre de promotions possibles dépend de l’importance des recrutements dans l’Institut. Avec les pratiques de limitation stricte du nombre de fonctionnaires, les recrutements ont fondu et avec eux l’importance des campagnes d’avancement. Pour les agents c’est d’autant plus préjudiciable que le blocage de la valeur du point d’indice fait que seul le déroulement de carrière permet de voir son salaire progresser durant sa vie professionnelle. Et ce ne sont pas les primes à la tête du client qui pourront compenser cette perte de pouvoir d’achat.
Les Commissions Administratives Paritaires (CAP) ont perdu leur rôle dans les procédures d’avancement de grade et de corps des agents . Les Comités de Valorisation des Parcours Professionnels (CVPP), sans aucun représentant du personnel, ont fonctionné pour la première fois à l’automne 2021, en s’appuyant notamment sur une grille d’évaluation des agents comportant jusqu’à 37 critères, avec pour chacun d’eux quatre notes possibles, grille devant être remplie par leur directeur d’unité ou leur chef d’équipe.
Le résultat de cette campagne d’avancement fut sans équivoque : la prise en compte de l’ancienneté des agents était devenue secondaire, alors que dans le cadre des CAP toutes les organisations syndicales de l’INRAE lui donnaient une place centrale, équilibrant le processus de choix des promus. Quelques chiffres pour illustrer cette évolution :
• En 2019 (CAP) 63% des promus de TRNo en TRSup appartenaient au quart des agents ayant le plus d’ancienneté, en 2021 (CVPP) ces agents les plus anciens ne représentent plus que 39% des promotions.
• Pour le passage IR2 en IR1 on passe de 65% à 27%,
• Pour le changement de corps de TR en AI on passe de 83% à 57%.
L’abandon de la prise en compte explicite de l’ancienneté se traduit immédiatement par un changement dans la population des promus et les "anciens méritants" sont défavorisés. Par ailleurs, les enquêtes menées auprès des DU ont montré qu’ils rejetaient massivement la grille d’évaluation comme instrument utile d’instruction des promotions, certains dénonçant son caractère individualiste et anti-collectif.
Ces Lignes Directrices de Gestion (LDG) reviennent à l’ordre du jour du prochain comité technique, avec des modifications limitées et essentiellement dans la forme. Même si elle comporte désormais moins de critères, la grille d’évaluation est toujours présente et conduit à classer l’agent suivant qu’il répond au niveau actuel ou au niveau supérieur, et c’est seulement dans ce dernier cas que l’agent sera promouvable. Bref, un agent qui aura toute sa carrière donné satisfaction dans son travail ne sera pas éligible si la hiérarchie considère qu’il ne relève pas du niveau supérieur de grade ou de corps ! Le critère d’ancienneté n’est toujours pas pris en compte, il n’apparait que pour indiquer qu’il faudra justifier la non proposition d’agents ayant des anciennetés très élevées, supérieure de 50% à la durée moyenne de promotion.
Il est facile de prédire comment ces nouvelles LDG vont dessiner les futures campagnes d’avancement. L’essentiel des possibilités de promotion sera utilisé pour promouvoir au mérite des agents bien notés par leur DU. Et une petite enveloppe sera conservée pour repêcher des agents qui "font seulement bien leur boulot ", mais qui devront attendre d’avoir dépassé de 50% la durée normale de déroulement de leur grade ou de leur corps pour pouvoir prétendre monter dans la voiture balai de la DRH. Carrière TGV pour certains, carrière tortillard pour la majorité des autres. Et avec la grille au centre de la relation entre l’agent et son DU, grille remplie peu de temps après l’entretien annuel d’activité, celui-ci deviendra d’abord un entretien d’évaluation où l’objectif sera de cocher les cases de la grille plutôt que de parler organisation du travail ou formation par exemple.
Cette nouvelle manière de faire « avancer » les agents ne peut que se traduire par des tensions à l’intérieur des collectifs de recherche. La CGT INRAE s’est toujours positionnée en mettant en avant le caractère collectif de la démarche de recherche et en estimant que l’ancienneté permettait une appréciation juste de la valeur professionnelle. Elle s’opposera donc à ces nouvelles procédures d’avancement comme elle s’était opposée à leur première version.
Alors que l’on approche des élections présidentielles, la CGT-INRAE réaffirme à l’adresse de tous les candidats son exigence de voir abrogée la Loi de Transformation de la Fonction Publique, et les prérogatives des CAP rétablies en matière d’avancements et de mobilités.
Au même comité technique du 17 février est également soumise une proposition de modification du télétravail. Le contenu de cette modification est simple : alors que la dernière note de service de décembre 2020 limitait le nombre de jours flottants qu’un agent peut effectuer en télétravail à 100 par an, on passerait maintenant à 144 jours par an.
Pour un agent à temps complet ayant opté pour un cycle de travail de 38:40 par semaine, le nombre de jours travaillés par an est de 216, sans tenir compte des jours fériés. Ces 144 jours flottants représentent très exactement les 2/3 de cette quotité. Concrètement, cela signifie que les agents ayant des fonctions éligibles à 100% au télétravail pourront ne plus venir dans leur unité que deux jours par semaine en moyenne.
Pour certains, cette modification peut être perçue comme une amélioration de leur qualité de vie. Mais une question prégnante reste : que doivent faire ceux qui ne peuvent exercer leurs fonctions qu’en venant dans les locaux ? comment vivent les collectifs dans ces conditions-là ? La période du confinement a été l’occasion de tester, contraints et forcés, cette vie de "chacun chez soi", est ce que tout le monde est en a gardé un souvenir radieux ? La CGT INRAE ne le pense pas, elle considère que si une dose de télétravail peut effectivement améliorer le quotidien de certains, cette dose doit rester limitée pour que les collectifs existent et pour que les agents qui ne peuvent pas télétravailler ne se retrouvent tout seuls dans les unités, avec le transfert de responsabilité (encadrement des stagiaires par exemple) que cela implique automatiquement. Les élus CGT-INRAE se prononceront contre cette augmentation à 144 jours flottants.
En plus du RIFSEEP et de la calamiteuse mise en œuvre du CIA, ces deux mesures sur les avancements et sur le télétravail œuvrent dans le même sens, celui de parcelliser les collectifs et d’individualiser les agents pour que chacun n’ait plus comme choix que d’essayer de négocier sa plus jolie petite niche.
En définitive, c’est la solidarité entre tous les agents qui est attaquée. La CGT INRAE appelle à résister à ces mesures en la rejoignant, en s’organisant partout contre ces évolutions mortifères, et en exigeant le retour à une gestion paritaire des avancements basée sur l’ancienneté.
NON aux primes à la tête du client (RIFSEEP, CIA, RIPEC) !
OUI à la revalorisation du point d’indice !
OUI à la revalorisation des primes statutaires et à leur intégration dans le salaire pour une meilleure retraite !